Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/140

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Nous allons dîner. Nous sommes de nouveau bons amis. Au milieu du repas, Boreuil, qui n’a pas cessé de raconter des histoires de clinique, me pose encore une question, jovialement :

— Dites-moi, Montarès. Êtes-vous certain de représenter un personnage normal ?

— Je me porte admirablement. Tenez, aujourd’hui, j’ai travaillé comme depuis longtemps je n’avais pu le faire avec un joli modèle de tout repos, une petite femme que je respecte beaucoup, parce qu’elle est à la fois ignorante et honnête.

— L’esquisse à la botte de mai rose ?

— Oui.

— Pourvu que ça dure !

— Ça durera parce que je suis amoureux, — Vous ? Allons donc !

— Pas de celle-là, d’une autre.

— Montarès, vous êtes une énigme. Expliquez-vous encore… qu’est-ce que l’amour vient faire dans votre cas ?

Un instant je regarde cet homme très franc, pas jaloux à la mauvaise manière des mâles entre eux, mais qui croit peut-être qu’il existe des cas et qu’on peut classer chaque individu par l’étude de ses manies ou de ses tares. C’est un scientifique.

— Boreuil, je vous scandalise, mais je ne veux pas en abuser. J’avoue : je suis plutôt