Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/147

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très vieille, sinon très absurde chanson, datant d’Aristide Bruant, je crois, une de ces berceuses de peuple qui sont stupides, mais dont les refrains obsédants contiennent peut-être toute la morale capable de l’émouvoir. Un refrain dans ce style :

On l’appelait Eva la blonde.
Elle n’avait plus de parents,
Et comme elle était seule au monde,
Sa famille, c’était ses amants.

Alors, Bouchette, les nerfs tendus, les mains crispées sur le bord de la loge, a éclaté en sanglots.

— Voyons, Bouchette, de la tenue. Vous allez nous faire remarquer. C’est idiot. Sans compter que vous vous enlaidissez.

Je suis furieux. Elle redouble. Son minuscule mouchoir est à tordre, voilà que ça coule le long de son corsage gris-perle. Il faudrait un parapluie. Je l’emmène brutalement chez un pâtissier des boulevards où elle se calme en voyant des gâteaux encore inconnus de sa gourmandise, le seul vice que je lui connaisse.

Dans la voiture qui nous ramène, je me fâche :

— Enfin, voulez-vous me dire, Bou-