Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/152

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entend discourir, ou déblatérer, les plus grands noms de l’intelligence, que l’on a, pour quarante sous, la permission d’interrompre, à la seule condition, pas toujours respectée, de se montrer bref et courtois.

Néo Soldès, le directeur fondateur de cette école du libre propos, est un beau jeune homme tenant à la fois du tribun et de l’acteur, conservant le plus merveilleux sang-froid au milieu des plus violentes polémiques, rompu à tous les exercices de force physique ou intellectuelle, véritable gamin de Paris quant à la vivacité des répliques, toujours armé du sourire du dilettante et capable de maîtriser, avec la même persuasion de geste, l’ouvrier champion des revendications sociales un peu bu et l’intarissable poète de salon, rendant, sur les spectateurs horrifiés, tous les thés de la Muse. Cette étrange association de gens qui ne se connaissent pas entre eux donne les résultats les plus inattendus à une époque où sévit la manie du discours pour le discours. On y apprend des choses. C’est la conférence contradictoire, moins le compère monotone. Les rafales d’injures et les ovations y prennent une sincérité qui ne va pas sans grandeur. Des orateurs connus aux interrupteurs inconnus, règne une sorte de fiévreuse intimité d’où finit par jaillir la passion de la