Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/164

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camper comme un homme sauvage. Sirloup m’a suivi, peu soucieux de garder l’auto durant les beuveries de ces Messieurs les chauffeurs. Le voilà ivre, lui, de cette liberté complète, sans témoin gênant, sans compagne amoureuse ou capricieuse, absorbant l’attention de son maître : on joue nous deux. Je lui jette un caillou et il s’élance follement heureux de le distinguer parmi les mille et un cailloux de l’allée, aux feux de ses deux topazes flambantes. Il court à travers les pelouses pour y chasser de menues bestioles que son galop frénétique expulsera de leur trou. Puis il revient, fait vivement le tour de ma personne pour s’assurer que rien ne me menace. Je l’entends haleter derrière mes talons. Loup et berger, il me guette et me garde, voudrait sauter sur mes épaules ou se coucher à mes pieds. Ah ! que c’est beau une animalité pure ! Aucun autre intérêt ne le guide, celui-là, que l’amour pour son maître, et cet amour est pourtant fait, extrait, de tous les intérêts réunis. Il représente l’intérêt suprême de la fidélité. Sirloup est un monstre et un innocent. Sur un signe de moi, il tuera ou sauvera quelqu’un… mais il attendra le signe. Il ne sait rien de mieux que mes ordres.

Combien la douceur de l’air est émouvante ! La fluide clarté de la lune double tou-