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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/166

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j’aime, toi la beauté qu’on ne peut maquiller, toi qui transparais sous tous les masques, nudité vivante et ardente qu’on ne pourra, probablement, atteindre, posséder, qu’en se couchant pour toujours au lit de la tombe ! Nature, marâtre et amante tout ensemble, pourquoi m’as-tu doué de ta puissance aveugle, inutile, si, vraiment, aucune de tes créatures humaines ne peut l’égaler… ou la détruire ? Vieux sans avoir subi la déchéance de la maladie, j’ignore le doute ou la peur. Je demeure debout, indéracinable comme l’arbre, là-bas, le centenaire décapité dont le cœur, la flamme végétative ne veut pas mourir… et on dit encore de moi : le beau Montarès. Que veux-tu donc que je devienne si jamais personne, dans la foule de tes nymphes ou de tes filles, de mes illusions ou de mes réalités, ne consent à s’unir à moi pour une éternité de caresses ?

J’aime l’amour, « j’ai la fureur d’aimer », pour refaire la sinistre déclaration de Verlaine, et j’ai trahi l’amour parce que je l’ai compris trop tard. Tout ce que j’ai possédé, je l’ai perdu pour ne pas avoir su me l’expliquer à moi-même ou l’apprécier. Je ne peux qu’une réalisation : être heureux au-dessus de tous les bonheurs ordinaires, être surhumain au-dessus de la faiblesse humaine qui me jalouse, m’a pris en horreur, me