Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/179

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qui ne m’as jamais trahi, toi ma force et ma raison de vivre ! Pourquoi m’as-tu abandonné ? Pourquoi, m’ayant livré à ta pire ennemie, cette mauvaise fée aux yeux louches, l’hésitation, m’as-tu tout à coup enseigné la pudeur ? La pudeur, l’Alibi ! Si tu avais posté cette audacieuse femelle au coin du bois, c’est que peut-être tu voulais la guérir de sa misère ! Entre grands coupables, on peut jouer franc jeu. Est-ce que je mérite mieux que ce rôle de quatrième ? Du partenaire de hasard, du passant ratifiant, par son consentement, la bonne aventure, même la plus douteuse des chances ?

À l’aube, mon chien revient et mon chauffeur manifeste sa joie. Moi, je commençais à m’exaspérer dans cette voiture close :

— Monsieur, le voilà, notre Sirloup ! Il est plus malin que les gardes ! On ne l’a pas emballé ! Nous avons bien fait de l’attendre.

Sirloup, très humble, se glisse dans l’auto, se couche à mes pieds. Son long corps reptilien me rappelle vaguement cette femme pliée, toute nue, dans son manteau de fourrure. Du même coup de gueule discret avec lequel il a rendu la petite boîte d’or, il pose, devant moi, un petit mouchoir, un pauvre petit mouchoir plein de bave où se détache, transparaît, une initiale timbrée des neuf pointes de perles.