Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/195

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assez mal entendu tout ce qu’elle m’a dit, mais j’ai vu… j’ai vu la bouche qui a râlé sous la mienne proférer cette dernière phrase du discours. Oui, c’est cette même femme qui insulte, maudit, et paraît persuadée de tout ce qu’elle raconte, cette même femme, devenue la provinciale assagie par la mollesse des herbes grasses des cimetières où elle s’agenouille pour des rêveries interminables, cette paresse de la réaction qu’elles ont toutes dans le sang ! Ça c’est une créature qui n’a plus ni cœur ni entrailles, parce qu’elle n’aime plus rien que sa paix, celle des sens, celle de l’âme, la morte vivante. Le plus horrible de la situation, c’est ce que je ne veux pas me résoudre à comprendre. La paix, la trêve des sens ? Est-ce que je connais ça, moi ?… Voyons, quel âge a-t-elle aujourd’hui ? Malgré sa beauté, toujours conforme à son image, les traits sont un peu creusés, les yeux plus durs et la bouche est pâlie par la colère. Elle n’aime plus. Serait-ce parce qu’elle est arrivée à cet âge incertain où les femmes les plus ardentes oublient leur passé fleuri et s’inquiètent de l’aridité de leur avenir ?… Ou elle en aime un autre, songe à se remarier, me joue la comédie du mépris pour aller s’ensevelir dans une idylle de sous-préfecture.

Je continue à rire. Après tout, si c’est là