Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/221

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miracles ne sont que les sursauts de nos enthousiasmes, les leurres de nos imaginations ivres d’un désir passionné. On finit toujours par voir ce que l’on veut ou voudrait voir. Or il ne faut pas s’endormir dans une superstitieuse confiance, car c’est en nous que doit résider la maîtresse volonté de notre direction morale, sinon immorale.

Je ne travaille plus. J’ai presque terminé mon ouvrage et je reste en prison moi-même avec ma toile. Mon modèle ayant préféré poser dans ce boudoir, j’ai dû y transporter tout mon attirail et il en résulte un désordre qui n’est peut-être pas tout à fait un effet de l’art. Le divan a reculé devant l’estrade où monte la dame, ses coussins sont jetés à terre au hasard de mes réflexions. Assis, les jambes croisées en face de Sirloup qui bâille, je fume sans m’apercevoir que le bon chien s’est brûlé plusieurs fois avec des bouts de cigarettes mal éteintes. Il ne me le reproche pas : il fait si chaud !

Tout est calme autour de nous. Le jardin nous enveloppe de sa tranquillité estivale. Nous avons une fin de juin splendide. Les mères de famille sont revenues au sentiment de leur devoir et pullulent. Les nénuphars boivent avec avidité la grêle pluie que leur distribue le triton. Quant au gazon, c’est un vrai foin.