Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/253

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Vous n’avez pas la mémoire de vos modèles, Monsieur le peintre des jolies filles, celui qui le fait à la pose ?

Bon ! J’y suis. Du chantage ! Mon brave garçon, très peuple, est le frère, ou le souteneur d’un de mes modèles, lequel modèle se sera prétendu la victime d’une séduction. C’est amusant car, sur ce chapitre, il n’y a pas plus respectueux que moi vis-à-vis d’un modèle non consentant. Je n’en connais pas beaucoup dans le genre où je travaille qui est le genre léger, mais il en existe et je ne joue pas à ce mauvais jeu, d’abord parce qu’il gâche les ensembles et ensuite parce que je ne vois pas la nécessité de violer une femme puisque, fatalement, on peut toujours l’obtenir de bonne volonté en y mettant le temps ou le prix,

— Mon ami, dis-je sans le lâcher du regard et la main appuyée derrière moi au dossier de ma chaise, j’ignore de quelle jolie fille vous venez me parler. Il en est passé un certain nombre chez moi. Je les ai toujours rétribuées selon leurs prétentions. Je n’ai jamais séduit personne parce que le travail est mon but, au moins quand je dessine. Maintenant comme j’ai fait la guerre autant que vous, je vous jure, sur ma conscience d’ancien combattant, que je n’ai jamais entendu prononcer le nom de Mademoiselle