Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/259

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ronde et je me tire d’ici. Vous n’entendrez plus causer de moi.

— Non, je n’ai jamais cru qu’elle fût mariée à cet Espagnol qu’elle prétendait si jaloux. Donc c’était son amant. Pourquoi espérez-vous me faire endosser la paternité d’un homme qu’elle… me préférait ?

Je contemple la souriante vision de Bouchette. jeune, svelte et fine comme une jolie nymphe tout enivrée de printemps, sa bouche épanouie comme une rose au soleil. Or, cette bouchette-là est morte en couches, déformée. abîmée, roulée aux abîmes de la grande marâtre, notre mère, la Terre, qui exige de nous la procréation… ou la mort.

Jules Nordin reprend d’une voix sourde :

— Ben oui, c’est l’Espagnol qui a fini son malheur, à la pauvre fille. J’ai su tout ça par les délires de la fièvre qui l’a emportée. Ma sœur, inutile de vous charrier, n’est-ce pas ? je sens bien que vous n’avez plus envie de vous moquer d’elle, s’était collée depuis ses quinze ans avec ce garçon-là, un renfermé, très bûcheur, mais un mauvais type avec les femmes. Il voulait, j’en suis certain à présent, la lâcher une fois sa pelote faite en France et s’en retourner au pays sans y traîner une étrangère. Il n’a jamais voulu l’épouser, malgré qu’elle y tenait ferme, elle, à la mairie. Henriette patientait, elle ne rê-