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Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/34

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Il y a des tas de gens, autour de nous, très comme il faut. Je ne pourrais pas risquer un geste inconvenant sans me mettre tout un public sur les bras : alors cela la rassure et elle ose dire ce qu’elle préfère, louche vers les glaces d’un regard anxieux. Elle rit parce qu’elle s’aperçoit que la lumière discrète de la coupe opaline fait valoir son teint, puis elle se moque un peu de la demoiselle nous servant qui vient de laisser tomber une meringue.

La main tenant la tasse est jolie, nullement aristocratique, mais soignée. La voix moqueuse reste cependant assez basse de timbre. tendre, sans affectation d’enfantillage.

Cette femme commence à me plaire beaucoup. Je sors mon carnet, je croque, platoniquement, sa bouche et je la lui montre :

— C’est toute ma figure, au-dessus ! Et vous n’avez dessiné que ça ! Comme c’est drôle ! Je me reconnais. Ah ! ce n’est pas banal de faire une figure rien qu’avec une bouche ! Vous êtes donc sorcier ?

Sorcier ? Si je pouvais m’exorciser moi-même. devenir amoureux ! Ce n’est pourtant pas l’amour que je cherche, c’est l’oubli, et je suis capable de lui en vouloir, après.

Sa langue de gourmande satisfaite se délie de plus en plus. J’apprends que ma petite hypnotisée est une fille du peuple. Inouï !