Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/45

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retard, ce qui arrive très souvent. Je n’ai pas envie de rire. Je n’ai jamais envie de rire quand je rentre. Je suis à la fois calme et désespéré, content de tirer enfin le rideau sur ma vie privée, désespéré de me séparer de la vie publique dont les agitations me tentent toujours comme des promesses d’oubli. L’existence actuelle de Paris, dans la rue ou dans les salons, c’est le morceau de musique bruyant, le jazz-band vous arrachant de force à vos préoccupations : mais lorsque retombe le silence, c’est la solitude plus absolue, l’horreur de l’abandon ou l’appréhension de la chute. Il faut avoir une très bonne santé pour supporter les alternatives de ces brutales différences et opérer une prompte réaction. Puisqu’il y a en moi deux hommes qui se battent perpétuellement, je les mets d’accord en changeant d’allures à tous les coups. Ici c’est le sage et très amer philosophe qui domine, respire bien mieux et se félicite de sa tranquillité retrouvée. Ailleurs, c’est l’aventureux fou, toujours très gai, s’enthousiasmant pour toutes les manifestations, osant toutes les phrases, tous les gestes. Il est impossible de s’y reconnaître… même à mes propres veux. Mes domestiques ont naturellement d’autres travaux à faire qu’essayer de résoudre le problème et, ne voyant qu’un côté de la question, ils agissent en consé-