Page:Rachilde - Refaire l’amour, 1928.djvu/50

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Un convive m’attend. Sirloup, grand chien d’auto, gravement et noblement assis en face de mon couvert et balayant le tapis de sa queue, dans un large mouvement d’éventail. Sirloup est d’une belle fourrure beige, qu’il porte plus foncée à l’étole, et montre, selon sa race, des prunelles de topaze brûlée, avec quelques instincts sournois qui ne me rassurent qu’à demi sur son degré de civilisation. Je lui dois déjà plusieurs contraventions pour coups et blessures, quoique nous ne nous disputions pas souvent, ce qui serait, sans doute, plus dangereux que les contraventions, au moins pour moi.

Nous dînons et fumons ensemble. On lui sert sa soupe à côté de ma chaise. Il n’admettrait pas d’aller manger à l’office. Francine, toujours soigneuse, étend une serviette parterre, pose l’écuelle, une jolie écuelle d’étain au poinçon d’un fermier général, et verse la pitance, soupe très grasse, en faisant bien attention de ne rien éclabousser.

Le dîner fini, nous fumons tous les deux, soit au jardin, soit à la serre, c’est-à-dire qu’il croque voluptueusement les bouts de cigarettes que j’ai, bien entendu, d’abord éteints au bord du cendrier pour lui éviter de se brûler la gueule.

Ce soir, il y a des œufs mollets, dans une crème aux crevettes, rehaussée d’un grain de