Scène VIII.
Que de crainte, mes sœurs, que de troubles mortels !
Dieu tout-puissant, sont-ce là les prémices,
Les parfums et les sacrifices
Qu’on devait en ce jour offrir sur tes autels ?
Quel spectacle à nos yeux timides !
Qui l’eût cru qu’on dût voir jamais
Les glaives meurtriers, les lances homicides
Briller dans la maison de paix ?
D’où vient que, pour son Dieu pleine d’indifférence,
Jérusalem se tait en ce pressant danger ?
D’où vient, mes sœurs, que, pour nous protéger,
Le brave Abner au moins ne rompt pas le silence ?
Hélas ! dans une cour où l’on n’a d’autres lois
Que la force et la violence,
Où les honneurs et les emplois
Sont le prix d’une aveugle et basse obéissance,
Ma sœur, pour la triste innocence
Qui voudrait élever sa voix ?
Dans ce péril, dans ce désordre extrême,
Pour qui prépare-t-on le sacré diadème ?
Le Seigneur a daigné parler ;
Mais ce qu’à son prophète il vient de révéler,
Qui pourra nous le faire entendre ?
S’arme-t-il pour nous défendre ?
S’arme-t-il pour nous accabler ?
Ô promesse ! ô menace ! ô ténébreux mystère !
Que de maux, que de biens sont prédits tour à tour !
Comment peut-on avec tant de colère
Accorder tant d’amour ?
Sion ne sera plus : une flamme cruelle
Détruira tous ses ornements.
Dieu protége Sion ; elle a pour fondements
Sa parole éternelle.
Je vois tout son éclat disparaître à mes yeux.
Je vois de toutes parts sa clarté répandue.
Dans un gouffre profond Sion est descendue.
Sion a son front dans les cieux.
Quel triste abaissement !
Quelle immortelle gloire !
Que de cris de douleur !
Que de chants de victoire !
Cessons de nous troubler : notre Dieu, quelque jour,
Dévoilera ce grand mystère.
Révérons sa colère ;
Espérons en son amour.
D’un cœur qui t’aime,
Mon Dieu, qui peut troubler la paix ?
Il cherche en tout ta volonté suprême,
Et ne se cherche jamais.
Sur la terre, dans le ciel même,
Est-il d’autre bonheur que la tranquille paix
D’un cœur qui t’aime ?
ACTE QUATRIÈME.
Scène première.
D’un pas majestueux, à côté de ma mère,
Le jeune Éliacin s’avance avec mon frère.
Dans ces voiles, mes sœurs, que portent-ils tous deux ?
Quel est ce glaive enfin qui marche devant eux ?
Mon fils, avec respect posez sur cette table
De notre sainte loi le livre redoutable.
Et vous aussi, posez, aimable Éliacin,
Cet auguste bandeau près du livre divin.
Lévite, il faut placer, Joad ainsi l’ordonne,
Le glaive de David auprès de sa couronne.
Princesse, quel est donc ce spectacle nouveau ?
Pourquoi ce livre saint, ce glaive, ce bandeau ?
Depuis que le Seigneur m’a reçu dans son temple,
D’un semblable appareil je n’ai point vu d’exemple.
Tous vos doutes, mon fils, bientôt s’éclairciront.
Vous voulez essayer ce bandeau sur mon front ?
Ah ! princesse, gardez d’en profaner la gloire :