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ANDROMAQUE.

TRAGÉDIE.

ACTE I.



Scène première.

ORESTE, PYLADE.
ORESTE.

Oui, puisque je retrouve un ami si fidèle,
Ma fortune va prendre une face nouvelle ;
Et déjà son courroux semble s’être adouci,
Depuis qu’elle a pris soin de nous rejoindre ici[1].
5Qui l’eût dit, qu’un rivage à mes vœux si funeste[2]
Présenteroit d’abord Pylade aux yeux d’Oreste ?
Qu’après plus de six mois que je t’avois perdu,
À la cour de Pyrrhus tu me serois rendu ?

PYLADE.

J’en rends grâces au ciel, qui m’arrêtant sans cesse
10Sembloit m’avoir fermé le chemin de la Grèce,

  1. H. Latouche, dans sa notice sur André Chénier (Poésies d’André Chénier, Paris, 1844, pages XIX et XX), raconte que lorsque Roucher et André Chénier étaient sur la charrette qui les conduisait tous deux au supplice, ils récitèrent ces premiers vers d’Andromaque, qui prenaient en ce moment pour eux un sens si touchant. Mais peut-être, comme on paraît le croire généralement aujourd’hui, n’est-ce là qu’une ingénieuse légende.
  2. Var. Qui m’eût dit qu’un rivage à mes yeux si funeste. (1668-87)