Je fis croire et je crus ma victoire certaine ;
Je pris tous mes transports pour des transports de haine ;
Détestant ses rigueurs, rabaissant ses attraits,
Je défiois ses yeux de me troubler jamais.
Voilà comme je crus étouffer ma tendresse.
En ce calme trompeur j’arrivai dans la Grèce[1] ;
Et je trouvai d’abord ses princes rassemblés,
Qu’un péril assez grand sembloit avoir troublés.
J’y courus. Je pensai que la guerre et la gloire
De soins plus importants rempliroient ma mémoire ;
Que mes sens reprenant leur première vigueur,
L’amour achèveroit de sortir de mon cœur.
Mais admire avec moi le sort dont la poursuite
Me fait courir alors au piège que j’évite[2].
J’entends de tous côtés qu’on menace Pyrrhus ;
Toute la Grèce éclate en murmures confus ;
On se plaint qu’oubliant son sang et sa promesse
Il élève en sa cour l’ennemi de la Grèce,
Astyanax, d’Hector jeune et malheureux fils,
Reste de tant de rois sous Troie ensevelis.
J’apprends que pour ravir son enfance au supplice
Andromaque trompa l’ingénieux Ulysse,
Tandis qu’un autre enfant, arraché de ses bras,
Sous le nom de son fils fut conduit au trépas.
On dit que peu sensible aux charmes d’Hermione,
Mon rival porte ailleurs son cœur et sa couronne ;
Ménélas, sans le croire, en paroît affligé,
- ↑ Var. Dans ce calme trompeur j’arrivai dans la Grèce. (1668-87)
- ↑ Var. Me fait courir moi-même au piège que j’évite (a). (1668 et 73)
(a) « Ce moi-même, avait dit Subligny (acte III, scène viii), n’est-il pas une belle cheville ? » Il avait, au même endroit, fait sur ce vers et sur le précédent d’autres chicanes, auxquelles Racine, avec raison, ne s’est pas rendu.
ger. » Bien que cet emploi, un peu latin peut-être, du verbe venger n’eût, ce nous semble, rien de choquant, Racine, comme l’on voit, a tenu compte de la critique.