Qu’entre vos mains, Seigneur, il voulût la remettre :
Non que de sa conquête il paroisse flatté.
Pour la veuve d’Hector ses feux ont éclaté :
Il l’aime. Mais enfin cette veuve inhumaine
N’a payé jusqu’ici son amour que de haine ;
Et chaque jour encore on lui voit tout tenter
Pour fléchir sa captive, ou pour l’épouvanter.
De son fils, qu’il lui cache, il menace la tête[1],
Et fait couler des pleurs, qu’aussitôt il arrête.
Hermione elle-même a vu plus de cent fois
Cet amant irrité revenir sous ses lois,
Et de ses vœux troublés lui rapportant l’hommage,
Soupirer à ses pieds moins d’amour que de rage.
Ainsi n’attendez pas que l’on puisse aujourd’hui
Vous répondre d’un cœur si peu maître de lui :
Il peut, Seigneur, il peut, dans ce désordre extrême,
Épouser ce qu’il hait, et punir ce qu’il aime[2].
Mais dis-moi de quel œil Hermione peut voir
Son hymen différé, ses charmes sans pouvoir[3] ?
Semble de son amant dédaigner l’inconstance,
Et croit que trop heureux de fléchir sa rigueur[4],
- ↑ Var. Il lui cache son fils, il menace sa tête. (1668-87)
- ↑ Var. Épouser ce qu’il hait, et perdre ce qu’il aime. (1668-87)
- ↑ Var. Ses attraits offensés et ses yeux sans pouvoir(a). (1668 et 73)
(a). Subligny (et plusieurs éditeurs l’ont à tort suivi) cite ainsi le vers précédent, dans sa comédie (acte III, scène viii) :Mais dis-moi de quels yeux Hermione peut voir ;
et il dit : « De quels yeux une personne peut voir ses yeux. Voilà une étrange expression ! » Avec la leçon « de quel œil » la faute était beaucoup moins apparente. Cependant Racine a mis la critique à profit. - ↑ Var. Et croit que trop heureux d’apaiser sa rigueur(b). (1668 et 73)
(b). Subligny, dans sa Préface, avait blâmé apaiser : « On lui répondra qu’on n’apaise point une rigueur, mais qu’on l’adoucit. »