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ACTE II, SCÈNE II.

Vous que j’ai plaint, enfin que je voudrois aimer.

ORESTE.

Je vous entends. Tel est mon partage funeste :
Le cœur est pour Pyrrhus, et les vœux pour Oreste.

HERMIONE.

Ah ! ne souhaitez pas le destin de Pyrrhus :
Je vous haïrois trop.

ORESTE.

540Je vous haïrois trop.Vous m’en aimeriez plus.
Ah ! que vous me verriez d’un regard bien contraire !
Vous me voulez aimer, et je ne puis vous plaire ;
Et l’amour seul alors se faisant obéir,
Vous m’aimeriez, Madame, en me voulant haïr.
545Ô Dieux ! tant de respects, une amitié si tendre…
Que de raisons pour moi, si vous pouviez m’entendre !
Vous seule pour Pyrrhus disputez aujourd’hui,
Peut-être malgré vous, sans doute malgré lui.
Car enfin il vous hait ; son âme ailleurs éprise
N’a plus…

HERMIONE.

550

N’a plus…Qui vous l’a dit. Seigneur, qu’il me méprise[1] ?
Ses regards, ses discours vous l’ont-ils donc appris ?
Jugez-vous que ma vue inspire des mépris,
Qu’elle allume en un cœur des feux si peu durables ?
Peut-être d’autres yeux me sont plus favorables.

ORESTE.

555Poursuivez : il est beau de m’insulter ainsi.
Cruelle, c’est donc moi qui vous méprise ici ?
Vos yeux n’ont pas assez éprouvé ma constance ?
Je suis donc un témoin de leur peu de puissance ?
Je les ai méprisés ? Ah ! qu’ils voudroient bien voir

  1. Les éditions de 1702, 1713, 1722, 1728, 1750 donnent ainsi ce vers

    · · Qui vous a dit, Seigneur, qu’il me méprise ?