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ACTE II, SCÈNE V.

Scène V.

PYRRHUS, PHŒNIX.
PYRRHUS.

625Ah Dieux !Hé bien, Phœnix, l’amour est-il le maître ?
Tes yeux refusent-ils encor de me connaître[1] ?

PHŒNIX.

Ah ! je vous reconnois ; et ce juste courroux,
Ainsi qu’à tous les Grecs, Seigneur, vous rend à vous[2].
Ce n’est plus le jouet d’une flamme servile :
630C’est Pyrrhus, c’est le fils et le rival d’Achille,
Que la gloire à la fin ramène sous ses lois,
Qui triomphe de Troie une seconde fois.

PYRRHUS.

Dis plutôt qu’aujourd’hui commence ma victoire.
D’aujourd’hui seulement je jouis de ma gloire ;
635Et mon cœur, aussi fier que tu l’as vu soumis,
Croit avoir en l’amour vaincu mille ennemis.
Considère, Phœnix, les troubles que j’évite,
Quelle foule de maux l’amour traîne à sa suite.
Que d’amis, de devoirs j’allois sacrifier.
640Quels périls… Un regard m’eût tout fait oublier.
Tous les Grecs conjurés fondoient sur un rebelle.
Je trouvois du plaisir à me perdre pour elle.

PHŒNIX.

Oui, je bénis, Seigneur, l’heureuse cruauté
Qui vous rend…

  1. Voyez tome I, p. 407, note b.
  2. Var. [Ainsi qu’à tous les Grecs, Seigneur, vous rend à vous.]
    Et qui l’auroit pensé, qu’une si noble audace
    D’un long abaissement prendroit sitôt la place ?
    Que l’on pût sitôt vaincre un poison si charmant ?
    Mais Pyrrhus, quand il veut, sait vaincre en un moment.
    [Ce n’est plus le jouet d’une flamme servile.] (1668 et 73)