Scène V.
Tes yeux refusent-ils encor de me connaître[1] ?
Ah ! je vous reconnois ; et ce juste courroux,
Ainsi qu’à tous les Grecs, Seigneur, vous rend à vous[2].
Ce n’est plus le jouet d’une flamme servile :
C’est Pyrrhus, c’est le fils et le rival d’Achille,
Que la gloire à la fin ramène sous ses lois,
Qui triomphe de Troie une seconde fois.
Dis plutôt qu’aujourd’hui commence ma victoire.
D’aujourd’hui seulement je jouis de ma gloire ;
Et mon cœur, aussi fier que tu l’as vu soumis,
Croit avoir en l’amour vaincu mille ennemis.
Considère, Phœnix, les troubles que j’évite,
Quelle foule de maux l’amour traîne à sa suite.
Que d’amis, de devoirs j’allois sacrifier.
Quels périls… Un regard m’eût tout fait oublier.
Tous les Grecs conjurés fondoient sur un rebelle.
Je trouvois du plaisir à me perdre pour elle.
Oui, je bénis, Seigneur, l’heureuse cruauté
Qui vous rend…
- ↑ Voyez tome I, p. 407, note b.
- ↑ Var. [Ainsi qu’à tous les Grecs, Seigneur, vous rend à vous.]
Et qui l’auroit pensé, qu’une si noble audace
D’un long abaissement prendroit sitôt la place ?
Que l’on pût sitôt vaincre un poison si charmant ?
Mais Pyrrhus, quand il veut, sait vaincre en un moment.
[Ce n’est plus le jouet d’une flamme servile.] (1668 et 73)