Page:Racine - Œuvres, t4, éd. Mesnard, 1865.djvu/282

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daigné accorder cet honneur à des personnes qui le briguoient depuis dix ans ; et je fus fort étonné quand je vis deux lettres qu’ils prirent la peine de publier contre la mienne.

J’avoue qu’elles m’encouragèrent à en faire une seconde ; mais lorsque j’étois prêt à la laisser imprimer, quelques-uns de mes amis[1] me firent comprendre qu’il n’y avoit point de plaisir à rire avec des gens délicats qui se plaignent qu’on les déchire[2] dès qu’on les nomme ; qu’il ne falloit pas trouver étrange que l’auteur des Imaginaires eût écrit contre la comédie, et qu’il n’y avoit presque point de régent dans les collèges qui n’exhortât ses écoliers à n’y point aller. Et d’autres des leurs me dirent que les lettres qu’on avoit faites contre moi étoient désavouées de tout le Port-Royal ; qu’elles étoient même assez inconnues dans le monde, et qu’il n’y avoit rien de plus incommode que de se défendre devant mille gens qui ne savent pas seulement que l’on nous ait attaqués. Enfin ils m’assurèrent que ces Messieurs n’en garderoient pas la moindre animosité contre moi ; et ils me promirent[3] de leur part un silence que je n’avois pas songé à leur demander.

Je me rendis facilement à ces raisons ; je crus qu’il ne seroit plus parlé ni de la lettre ni des réponses ; et sans m’intéresser davantage dans le parti des comédies ni des tragédies, je me résolus de leur laisser jouer à leur aise

  1. Dans le manuscrit, Racine a rayé ce qui suit quelques-uns de jusqu’à me (voyez la fui de la sixième des lignes suivantes), puis il a récrit dans les interlignes tout ce qu’il avait effacé, en remplaçant seulement « quelques-uns de leurs amis, » qu’il avait mis d’abord, par « quelques-uns de mes amis, » et à la fin : « Ils me dirent, » par « Et d’autres des leurs me dirent. »
  2. Ce mot est souligné dans l’autographe.
  3. Dans l’édition de 1807 : « et me promirent. »