Un[1] qui n’avoit jamais sorti de Corinthe commençoit ainsi son histoire : « Les yeux sont de plus sûrs témoins que les oreilles ; » et après cela décrivoit la Perse et tout ce qui s’y rencontroit d’extraordinaire.
Un[2] autre avoit fait un prologue prophétique, promettant d’écrire le triomphe dans un temps où la guerre n’étoit pas encore terminée.
Voilà[3] les principales fautes où peut tomber un historien ; voici les principales qualités qu’il doit avoir.
Les[4] deux les plus nécessaires, ce sont un bon sens pour les choses du monde, et une agréable expression, σύνεσιν τε πολιτικὴν καὶ ἑρμηνευτικήν. La première est un don du ciel ; l’autre se peut acquérir par un grand travail et une grande lecture des anciens.
Un[5] historien doit être capable d’agir lui-même et de commander[6] en un besoin. Il faut qu’il ait vu l’armée, des soldats rangés en bataille et faisant l’exercice, ce que c’est qu’une ailé, qu’un front, des bataillons, des escadrons ; qu’il ait vu de près des machines de guerre, et qu’il ne s’en rapporte pas aux yeux d’autrui.
Surtout[7] il doit être libre, n’espérant ni ne craignant rien, inaccessible aux présents et aux récompenses ; appelant figue, une figue, etc. ; ne faisant grâce à personne, et ne respectant[8] rien par mauvaise honte ; juge équitable et indifférent, sans pays, sans maître, et sans dépendance, ἄπολις, αὐτόνομος, ἀβασίλευτος ; qu’il dise les choses comme elles sont, sans les farder ni les déguiser ; car il pas poëte, il est narrateur, et par conséquent n’est