Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/156

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Ce qu’il a fait pour toi ne mérite pas moins ;
C’est lui qui m’a des mains arraché la victoire,
Il t’a donné sa sœur, il t’a vendu sa gloire,
Il t’a livré Porus. Que feras-tu jamais
Qui te puisse acquitter d’un seul de ses bienfaits ?
Mais j’ai su prévenir le soin qui te travaille :
Va le voir expirer sur le champ de bataille.

Alexandre
Quoi ? Taxile ?

Cléofile
Qu’entends-je ?

Éphestion
Oui, Seigneur, il est mort.
Il s’est livré lui-même aux rigueurs de son sort.
Porus était vaincu ; mais au lieu de se rendre,
Il semblait attaquer, et non pas se défendre.
Ses soldats, à ses pieds étendus et mourants,
Le mettaient à l’abri de leurs corps expirants.
Là, comme dans un fort son audace enfermée
Se soutenait encor contre toute une armée,
Et d’un bras qui portait la terreur et la mort ;
Aux plus hardis guerriers en défendait l’abord.
Je l’épargnais toujours. Sa vigueur affaiblie
Bientôt en mon pouvoir aurait laissé sa vie,
Quand sur ce champ fatal Taxile descendu :
« Arrêtez ; c’est à moi que ce captif est dû.
C’en est fait, a-t-il dit, et ta perte est certaine,
Porus : il faut périr ou me céder la reine ».
Porus, à cette voix ranimant son courroux,
A relevé ce bras lassé de tant de coups,