Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/16

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PREFACE.

beaux endroits. Je dreſſay à peu prés mon plan ſur les Pheniciennes d’Euripide. Car pour la Thebaïde qui eſt dans Seneque, je ſuis un peu de l’opinion d’Heinſius, & je tiens comme luy, que non ſeulement ce n’eſt point une Tragédie de Seneque, mais que c’eſt plûtoſt l’ouvrage d’un Declamateur, qui ne ſçavoit ce que c’eſtoit que Tragédie.

La Cataſtrophe de ma Piece eſt peut-eſtre un peu trop ſanglante. En effet il n’y paroiſt preſque pas un Acteur qui ne meure à la fin. Mais auſſi c’eſt la Thebaïde. C’eſt à dire le ſujet le plus tragique de l’Antiquité.

L’amour qui a d’ordinaire tant de part dans les Tragédies, n’en a preſque point icy. Et je doute que je luy en donnaſſe davantage ſi c’eſtoit à recommencer. Car il faudroit ou que l’un des deux Freres fuſt amoureux, ou tous les deux enſemble. Et quelle apparence de leur donner d’autres intereſts que ceux de cette fameuſe haine qui les occupoit tout entiers ? Ou bien il faut jetter l’amour ſur un des ſeconds Perſonnages comme j’ay fait. Et alors cette paſſion qui devient comme eſtrangere au ſujet, ne peut produire que de mediocres effets. En un mot je ſuis perſuadé que les tendreſſes ou les jalouſies des Amans ne ſçauroient trouver que fort peu de place parmy les