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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/182

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Pyrrhus

Tel qu’il eſt, tous les Grecs demandent qu’il periſſe.
Le Fils d’Agamemnon vient haſter ſon ſupplice.

Andromaque

Et vous prononcerez un Arreſt ſi cruel ?
Eſt-ce mon intereſt qui le rend criminel ?
Helas ! on ne craint point qu’il vange un jour ſon Pere.
On craint qu’il n’eſſuyaſt les larmes de ſa Mere.
Il m’auroit tenu lieu d’un Pere, & d’un Epoux.
Mais il me faut tout perdre, & toûjours par vos coups.

Pyrrhus

Madame, mes refus ont prévenu vos larmes.
Tous les Grecs m’ont déja menacé de leurs Armes,
Mais deuſſent-ils encore, en repaſſant les Eaux,
Demander voſtre Fils, avec mille Vaiſſeaux :
Couſtaſt-il tout le ſang qu’Helene a fait répandre,
Deuſſay-je apres dix ans voir mon Palais en cendre,
Je ne balance point, je vole à ſon ſecours,
Je defendray ſa vie aux deſpens de mes jours.
Mais parmy ces perils, où je cours pour vous plaire,
Me reſuterez-vous un regard moins ſevere ?
Hai de tous les Grecs, preſſé de tous coſtez,
Me faudra-t’il combattre encor vos cruautez ?
Je vous offre mon bras. Puis-je eſperer encore
Que vous accepterez un cœur qui vous adore ?
En combattant pour vous, me ſera-t’il permis
De ne vous point conter parmy mes Ennemis ?

Andromaque

Seigneur, que faites-vous, & que dira la Grece ?
Faut-il qu’un ſi grand cœur montre tant de foibleſſe ?