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Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/185

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Aux cendres d’un Epoux doit-elle enfin ſa flâme ?
Et quel Epoux encore ! Ah ! ſouvenir cruel !
Sa mort ſeule a rendu votre Pere immortel.
Il doit au ſang d’Hector tout l’éclat de ſes armes,
Et vous n’eſtes tous deux connus que par mes larmes.

Pyrrhus

Hé bien, Madame, hé bien, il faut vous obeïr.
Il faut vous oublier, ou plûtoſt vous haïr.
Oüy, mes vœux ont trop loin pouſſé leur violence,
Pour ne plus s’areſter que dans l’indifference.
Songez-y bien. Il faut deſormais que mon Cœur,
S’il n’aime avec tranſport, haïſſe avec fureur.
Je n’épargnerai rien dans ma juſte colere.
Le Fils me répondra des mépris de la Mere,
La Gréce le demande, & je ne prétens pas
Mettre toûjours ma gloire à ſauver des Ingrats.

Andromaque

Helas ! il mourra donc. Il n’a pour ſa défenſe,
Que les Pleurs de ſa Mere et que ſon Innocence.
Et peut-eſtre apres tout, en l’eſtat où je ſuis,
Sa mort avancera la fin de mes ennuis.
Je prolongeois pour lui ma vie, & ma miſere.
Mais enfin ſur ſes pas j’iray revoir ſon Pere.
Ainſi, tous trois, Seigneur, par vos ſoins reünis,
Nos Cœurs…

Pyrrhus

Nos cœursAllez, Madame, allez voir votre Fils.
Peut-eſtre, en le voyant, voſtre amour plus timide,
Ne prendra pas toûjours ſa colere pour guide.
Pour ſçavoir nos deſtins j’iray vous retrouver.
Madame, en l’embraſſant, ſongez à le ſauver.

Fin du premier Acte.