Je l’ay veû vers le Temple, où ſon hymen s’appreſte,
Mener en Conquerant ſa nouvelle Conqueſte,
Et d’un œil qui déja devoroit ſon eſpoir,
S’enyvrer, en marchant, du plaiſir de la voir.
Andromaque, au travers de mille cris de joye,
Porte juſqu’aux Autels le ſouvenir de Troye.
Incapable toûjours d’aimer et de haïr,
Sans joye, & ſans murmure elle ſemble obeïr.
Et l’Ingrat ? Jusqu’au bout il a pouſſé l’outrage ?
Mais as-tu bien, Cleone, obſervé ſon viſage ?
Gouſte-t'il des plaiſirs tranquilles & parfaits ?
N’a-t'il point détourné ſes yeux vers le Palais ?
Dy-moy, ne t’es-tu point preſentée à ſa vuë ?
L’Ingrat a-t'il rougy lors qu’il t’a reconnuë ?
Son trouble avoüoit-il ſon infidelité ?
A-t'il jusqu’à la fin ſoûtenu ſa fierté ?
Madame, il ne voit rien. Son ſalut, & ſa gloire
Semblent eſtre avec vous ſortis de ſa memoire.
Sans ſonger qui le ſuit, Ennemis ou Sujets,
Il pourſuit ſeulement ſes amoureux projets.
Autour du Fils d’Hector il a rangé ſa Garde,
Et croit que c’eſt luy ſeul que le peril regarde.
Phœnix meſme en reſpond, qui l’a conduit exprés
Dans un Fort éloigné du Temple & du Palais.
Voila, dans ſes tranſports le ſeul ſoin qui lui reſte.
Le Perfide ! Il mourra. Mais que t’a dit Oreſte ?
Oreſte, avec ſes Grecs, dans le temple eſt entré.
Hé bien ! à me vanger n’eſt-il pas preparé ?
Je ne ſçay.