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Je mourray. Mais au moins ma mort me vangera,
Je ne mourray pas ſeule, & quelqu’un me ſuivra.



Scène III.


Oreste, Hermione, Cleone.

Oreste


MAdame, c’en eſt fait, & vous eſtes ſervie.
Pyrrhus rend a l’Autel ſon infidelle vie.

Hermione

Il eſt mort ?

Oreste

Il eſt mort ? ?Il expire. Et nos Grecs irritez
Ont lavé dans ſon ſang ſes infidelitez.
Je vous l’avois promis. Et quoy que mon courage
Se fiſt de ce complot une funeſte image,
J’ai couru vers le Temple, où nos Grecs diſperſez
Se ſont juſqu’à l’Autel dans la foule gliſſez.
Pyrrhus m’a reconnu. Mais ſans changer de face,
Il ſembloit que ma veuë excitaſt ſon audace,
Que tous les Grecs bravez en leur Ambaſſadeur
Deuſſent de ſon Hymen relever la ſplendeur.
Enfin avec tranſport prenant ſon diadéme,
Sur le front d’Andromaque il l’a poſé luy-meſme.
Ie vous donne, a t’il dit, ma Couronne, & ma foy,
Andromaque, regnez, ſur l'Epire & ſur moy.
Ie vouë à voſtre Fils une amitié de Pere,
I’en atteſte les Dieux, je le jure à ſa Mere.