Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/240

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A ſon dernier courroux, je ne puis plus ſurvivre !
Partez, j’ay fait le crime, & je vais l’expier.

Pylade

Hermione, Seigneur ? il la faut oublier.
Quoy toûjours l’inſtrument, & l’objet de ſa rage.
Cherchez-vous chez les Morts quelque nouvel outrage ?
Et parce qu’elle meurt, faut-il que vous mouriez ?

Oreste

Elle meurt ? Dieux. Qu'entens-je !

Pylade

Elle meurt ? Dieux. Qu'entens-je !Hé quoy ? vous l’ignoriez ?
En rentrant dans ces lieux nous l’avons rencontrée,
Qui couroit vers le Temple, inquiete, égarée,
Elle a trouvé Pyrrhus, porté ſur des Soldats,
Que ſon ſang excitoit à vanger ſon trépas.
Sans doute à cét objet ſa rage s’eſt émue.
Mais du haut de la porte enfin nous l’avons veuë,
Un poignard à la main, ſur Pyrrhus ſe courber,
Lever les yeux au Ciel, ſe frapper, & tomber.

Oreste

Grace aux Dieux ! Mon mal-heur paſſe mon eſperance,
Oüy, je te louë, ô Ciel ! de ta perſeverance.
Appliqué ſans relaſche au ſoin de me punir,
Au comble des douleurs tu m’as fait parvenir.
Ta haine a pris plaifir à former ma miſere,
J’eſtois né, pour ſervir d’exemple à ta colere,
Pour eſtre du Mal-heur un modelle accomply ;
Hé bien, je meurs content, & mon ſort eſt remply.