Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/261

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Thraſeas au Senat, Corbulon dans l’Armée,
Sont encore innocens, malgré leur renommée.
Les Deſerts autrefois peuplez de Senateurs
Ne ſont plus habitez que par leurs Delateurs.
Qu’importe que Ceſar continuë à nous croire,
Pourvû que nos conſeils ne tendent qu’à ſa gloire ?
Pourvû que dans le cours d’un regne floriſſant
Rome ſoit toûjours libre, & Ceſar tout puiſſant ?
Mais, Madame, Neron ſuffit pour ſe conduire.
J’obeïs, ſans pretendre à l’honneur de l’inſtruire.
Sur ſes Ayeux ſans doute il n’a qu’à ſe regler.
Pour bien faire, Neron n’a qu’à ſe reſſembler ;
Heureux, ſi ſes vertus l’une à l’autre enchaînées,
Rameinent tous les ans ſes premieres années !

AGRIPPINE.

Ainſi ſur l’avenir n’oſant vous aſſurer
Vous croyez que ſans vous Neron va s’égarer.
Mais vous, qui juſqu’icy content de vôtre ouvrage,
Venez de ſes vertus nous rendre témoignage,
Expliquez-nous, pourquoy devenu raviſſeur
Neron de Silanus fait enlever la Sœur.
Ne tient-il qu’à marquer de cette ignominie
Le ſang de nos Ayeux, qui brille dans Junie ?
De quoy l’accuſe-t-il ? Et par quel attentat
Devient-elle en un jour criminelle d’Eſtat ?
Elle, qui ſans orgueil juſqu’à lors élevée,
N’auroit point vû Neron, s’il ne l’euſt enlevée,
Et qui meſme auroit mis au rang de ſes bienfaits
L’heureuſe liberté de ne le voir jamais.

BURRHUS.

Je ſçay que d’aucun crime elle n’eſt ſoupçonnée.
Mais juſqu’icy Ceſar ne l’a point condamnée,
Madame. Aucun objet ne bleſſe icy ſes yeux.
Elle eſt dans un Palais tout plein de ſes Ayeux.