Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/273

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Soit qu’à tant de bien-faits ma memoire fidelle,
Luy ſoûmette en ſecret tout ce que je tiens d’elle,
Mais enfin mes efforts ne me ſervent de rien,
Mon Genie étonné tremble devant le ſien.
Et c’eſt pour m’affranchir de cette dépendance
Que je la fuy par tout, que même je l’offenſe,
Et que de temps en temps j’irrite ſes ennuis
Afin qu’elle m’évite autant que je la fuis.
Mais je t’arreſte trop. Retire-toy, Narciſſe.
Britannicus pourroit t’accuſer d’artifice.

NARCISSE.

Non, non, Britannicus s’abandonne à ma foy.
Par ſon ordre, Seigneur, il croit que je vous voy,
Que je m’informe icy de tout ce qui le touche
Et veut de vos ſecrets eſtre inſtruit par ma bouche.
Impatient ſur tout de revoir ſes amours
Il attend de mes ſoins ce fidelle ſecours.

NERON.

J’y conſens : porte luy cette douce nouvelle :
Il la verra.

NARCISSE.

Seigneur banniſſez-le loin d’elle.

NERON.

J’ay mes raiſons, Narciſſe, & tu peux concevoir,
Que je luy vendray cher le plaiſir de la voir.
Cependant vante luy ton heureux ſtratagême.
Dy-luy qu’en ſa faveur on me trompe moy-même,
Qu’il la voit ſans mon ordre. On ouvre, la voicy.
Va retrouver ton Maiſtre & l’amener icy.