Page:Racine - Œuvres, tome 1, 1679.djvu/313

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Rome ſur ſes Autels prodiguant les victimes,
Fuſſent-ils innocens, leur trouvera des crimes.
Vous verrez mettre au rang des jours infortunez :
Ceux où jadis la Sœur & le Frere ſont nez.

NERON.

Narciſſe, encore un coup, je ne puis l’entreprendre.
J’ay promis à Burrhus, il a falu me rendre.
Je ne veux point encore en luy manquant de foy
Donner à ſa vertu des armes contre moy.

J’oppoſe à ſes raiſons un courage inutile,
Je ne l’écoute point avec un cœur tranquille.

NARCISSE.

Burrhus ne penſe pas, Seigneur, tout ce qu’il dit.
Son adroitte vertu ménage ſon credit.
Ou pluſtoſt ils n’ont tous qu’une même penſée,
Ils verroient par ce coup leur puiſſance abaiſſée,
Vous ſeriez libre alors, Seigneur, & devant vous
Ces Maiſtres orgueilleux flêchiroient comme nous.
Quoy donc ignorez-vous tout ce qu’ils oſent dire ?
Neron, s’ils en ſont crus, n’eſt point né pour l’Empire.
Il ne dit, il ne fait, que ce qu’on luy preſcrit,
Burrhus conduit ſon cœur, Seneque ſon eſprit.
Pour toute ambition, pour vertu ſinguliere,
Il excelle à conduire un char dans la carriere,
A diſputer des prix indignes de ſes mains,
A ſe donner luy-même en ſpectacle aux Romains,
A venir prodiguer ſa voix ſur un theatre,
A reciter des chants, qu’il veut qu’on idolatre,
Tandis que des Soldats de momens en momens
Vont arracher pour luy les Applaudiſſemens.
Ah ne voulez vous pas les forcer à ſe taire ?

NERON.

Viens, Narciſſe. Allons voir ce que nous devons faire.