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TRAGEDIE.41




ACTE IV.




SCENE PREMIERE.

ETEOCLE, CREON,


ETEOCLE.


OUy, Creon, c’eſt icy qu’il doit bien-toſt ſe rendre,
Et tous deux en ce lieu nous le pouvons attendre,
Nous verrons ce qu’il veut, mais je répondrois bien,
Que par cette entreveüe on n’avancera rien.
Je connoy que Polinice & ſon humeur altiere,
Je ſçay bien que ſa haine eſt encor toute entiere,
Ie ne croy pas qu’on puiſſe en arreſter le cours,
Et pour moy je ſens bien que je le hay toûjours.

CREON.

Mais s’il vous cede enfin la grandeur ſouveraine,
Vous devez ce me ſemble appaiſa voſtre haine.

ETEOCLE.

Je ne ſçay ſi mon cœur s’appaiſera jamais,
Ce n’eſt pas ſon orgüeil, c’eſt luy ſeul que je hais.
Nous avons l’un & l’autre une haine obſtinée.
Elle n’eſt pas, Creon, l’ouvrage d’une année,
Elle eſt née avec nous, & ſa noire fureur,