Page:Racine - Andromaque, Girard, 1668.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
14
ANDROMAQVE
PYRRHVS.

Leur haine pour Hector n’eſt pas encore éteinte.
Ils redoutent ſon Fils.

ANDROMAQVE.

Ils redoutent ſon Fils.Digne Objet de leur crainte !
Vn Enfant malheureux, qui ne ſçait pas encor
Que Pyrrhus eſt ſon Maiſtre, & qu’il eſt Fils d’Hector.

PYRRHVS.

Tel qu’il eſt, tous les Grecs demandent qu’il périſſe.
Le Fils d’Agamemnon vient haſter ſon ſuplice.

ANDROMAQVE.

Et vous prononcerez vn Arreſt ſi cruel ?
Eſt-ce mon intereſt qui le rend criminel ?
Helas ! on ne craint point qu’il vange vn jour ſon Pere.
On craint qu’il n’eſſuyaſt les larmes de ſa Mere.
Il m’auroit tenu lieu d’vn Pere & d’vn Epoux ;
Mais il me faut tout perdre, & toûjours par vos coups.

PYRRHVS.

Madame, mes refus ont préuenu vos larmes.
Tous les Grecs m’ont déja ménaſſé de leurs Armes.
Mais dûſſent-ils encore, en repaſſant les Eaux,
Demander voſtre Fils auec mille Vaiſſeaux :
Couſtaſt-il tout le ſang qu’Helene a fait répandre,
Dûſſay-je apres dix ans voir mon Palais en cendre,
Ie ne balance point, ie vole à ſon ſecours,
Ie defendray ſa vie aux deſpens de mes jours.