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ANDROMAQVE

Fais-luy valoir l’hymen, où je me ſuis rangée ;
Dy-luy, qu’auant ma mort je luy fus engagée,
Que ſes reſſentimens doiuent eſtre effacez,
Qu’en luy laiſſant mon Fils, c’eſt l’eſtimer aſſez.
Fay connoiſtre à mon Fils les Heros de ſa Race ;
Autant que tu pourras, conduy-le ſur leur trace.
Dy-luy, par quels exploits leurs noms ont éclaté,
Plûtoſt ce qu’ils ont fait que ce qu’ils ont eſté.
Parle luy tous les jours des Vertus de ſon Pere,
Et quelquefois auſſi parle luy de ſa Mere.
Mais qu’il ne ſonge plus, Cephiſe, à nous vanger,
Nous luy laiſſons vn Maiſtre, il le doit ménager ;
Qu’il ait de ſes Ayeux vn ſouuenir modeſte,
Il eſt du ſang d’Hector, mais il en eſt le reſte.
Et pour ce reſte enfin j’ay moy-meſme en vn jour
Sacrifié mon ſang, ma haine, & mon amour.

CEPHISE.

Helas !

ANDROMAQVE.

Helas !Ne me ſuis point, ſi ton cœur en allarmes
Preuoit qu’il ne pourra commander à tes larmes,
On vient. Cache tes pleurs, Cephiſe, & ſouuiens-toy
Que le ſort d’Andromaque eſt commis à ta foy.
C’eſt Hermionne. Allons, fuyons ſa violence.