Page:Racine - Britannicus 1670.djvu/40

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NERON.
Non, Madame, l’Eſpoux dont je vous entretiens

Peut ſans honte aſſembler vos ayeux & les ſiens.
Vous pouvez, ſans rougir, conſentir à ſa flamme.

JUNIE.
Et quel eſt donc, Seigneur, cét Eſpoux ?
NERON.
Et quel eſt donc, Seigneur, cét Eſpoux ? Moy, madame.
JUNIE.
Vous !
NERON.
Vous ! Je vous nommerois, Madame, un autre nom,

Si j’en ſçavois quelque autre au deſſus de Neron.
Ouy, pour vous faire un choix, où vous puiſſiez ſouſcrire,
J’ay parcouru des yeux la Cour, Rome, & l’Empire.
Plus j’ay cherché, Madame, & plus je cherche encor
En quelles mains je doy confier ce treſor,
Plus je voy que Ceſar digne ſeul de vous plaire
En doit eſtre luy ſeul l’heureux depoſitaire,
Et ne peut dignement vous confier qu’aux mains
A qui Rome a commis l’Empire des Humains.
Vous meſme conſultez vos premieres années.
Claudius à ſon Fils les avoit deſtinées,
Mais c’étoit en un temps où de l’Empire entier
Il croyoit quelque jour le nommer l’Heritier.
Les Dieux ont prononcé. Loin de leur contredire,
C’eſt à vous de paſſer du coſté de l’Empire.
En vain de ce preſent ils m’auroient honoré,
Si voſtre cœur devoit en eſtre ſeparé ;
Si tant de ſoins ne ſont adoucis par vos charmes ;
Si tandis que je donne aux veilles, aux alarmes,
Des jours toûjours à plaindre, & toûjours enviez,
Je ne vais quelquefois reſpirer à vos piez.