Page:Racine - Britannicus 1670.djvu/94

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Mais j’eſpere qu’enfin le Ciel las de tes crimes
Ajoûtera ta perte à tant d’autres victimes,
Qu’apres t’eſtre couvert de leur ſang & du mien,
Tu te verras forcé de répandre le tien,
Et ton nom paroiſtra dans la race future
Aux plus cruels tyrans une cruelle injure.
Voilà ce que mon cœur ſe preſage de toy.
Adieu, tu peux ſortir.

NERON.
Adieu, tu peux ſortir. Narciſſe, ſuivez-moy.




Scène VIII.

AGRIPPINE, BURRHUS.


AGRIPPINE.

AH Ciel ! de mes ſoupçons quelle étoit l’injuſtice !

Je condamnois Burrhus pour écouter Narciſſe.
Burrhus avez-vous veu quels regards furieux
Neron en me quittant m’a laiſſez pour Adieux.
C’en eſt fait. Le cruel n’a plus rien qui l’arreſte :
Le coup qu’on m’a predit va tomber ſur ma teſte.
Il vous accablera vous-meſme à voſtre tour.

BURRHUS.
Ah Madame, pour moy j’ay vêcu trop d’un jour.

Pluſt au Ciel que ſa main heureuſement cruelle
Euſt fait ſur moy l’eſſay de ſa fureur nouvelle !
Qu’il ne m’eût pas donné par ce triſte attentat
Un gage trop certain des mal-heurs de l’Eſtat !
Son crime ſeul n’eſt pas ce qui me deſeſpere ;
Sa jalouſie a pû l’armer contre ſon Frere.
Mais, s’il vous faut, Madame, expliquer ma douleur,
Neron l’a veu mourir, ſans changer de couleur.