Page:Racine - Britannicus 1670.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Prince, je me devouë à ces Dieux immortels
Dont ta vertu t’a fait partager les Autels.
Le Peuple cependant que ce ſpectacle eſtonne,
Vole de toutes parts, ſe preſſe, l’environne,
S’attendrit à ſes pleurs, & plaignant ſon ennuy
D’une commune voix la prend ſous ſon appuy.
Ils la meinent au Temple, où depuis tant d’années
Au culte des Autels nos Vierges deſtinées
Gardent fidellement le dépoſt pretieux
Du Feu toûjours ardant qui brûle pour nos Dieux.
Ceſar les voit partir ſans oſer les diſtraire.
Narciſſe plus hardy s’empreſſe pour luy plaire.
Il vole vers Junie, & ſans s’épouvanter
D’une profane main commence à l’arreſter.
De mille coups mortels ſon audace eſt punie,
Son infidelle ſang rejaillit ſur Junie.
Ceſar de tant d’objets en meſme temps frappé
Le laiſſe entre les mains qui l’ont enveloppé.
Il rentre. Chacun fuit ſon ſilence farouche.
Le ſeul nom de Junie échappe de ſa bouche.
Il marche ſans deſſein, ſes yeux mal aſſurez
N’oſent lever au Ciel leurs regards égarez.
Et l’on craint, ſi la nuit jointe à la ſolitude
Vient de ſon deſeſpoir aigrir l’inquietude,
Si vous l’abandonnez plus long-temps ſans ſecours
Que ſa douleur bien-toſt n’attente ſur ſes jours.
Le temps preſſe. Courez. Il ne faut qu’un caprice.
Il ſe perdroit, Madame.

AGRIPPINE.
Il ſe perdroit, Madame. Il ſe feroit juſtice.

Mais Burrhus, allons voir juſqu’où vont ſes tranſports.
Voyons quel changement produiront ſes remords,
S’il voudra deſormais ſuivre d’autres maximes.

BURRHUS.
Plût aux Dieux que ce fuſt le dernier de ſes crimes !
FIN.