Page:Racine - Les Plaideurs, Barbin, 1669.djvu/92

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DANDIN

Meſſieurs… Serez-vous long, avocat ? dites-moi.

L’INTIMÉ

Je ne réponds de rien.

DANDIN

Je ne réponds de rien. Il eſt de bonne foi.

L’INTIMÉ d’un ton finiſſant en fauſſet.

Meſſieurs, tout ce qui peut étonner un coupable
Tout ce que les mortels ont de plus redoutable,
Semble s’être aſſemblé contre nous par haſar :
Je veux dire la brigue & l’éloquence. Car
D’un côté, le crédit du défunt m’épouvante ;
Et, de l’autre côté, l’éloquence éclatante
De maître Petit Jean m’éblouit.

DANDIN

De maître Petit Jean m’éblouit. Avocat,
De votre ton vous-même adouciſſez l’éclat.

L’INTIMÉ

Oui-da, j’en ai pluſieurs…
(du beau ton.)
Oui-da, j’en ai pluſieurs… Mais quelque défiance
Que nous doive donner la ſusdite éloquence,
Et le ſusdit crédit, ce néanmoins, Meſſieurs,
L’ancre de vos bontés nous raſſure, d’ailleurs.
Devant le grand Dandin l’innocence eſt hardie ;
Oui, devant ce Caton de baſſe Normandie,
Ce ſoleil d’équité qui n’eſt jamais terni :
Victrix cauſa diis placuit, ſed victa Catoni.

DANDIN

Vraiment, il plaide bien.