Page:Racine - Théâtre choisi, 1904, éd. Lanson.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

HERMIONE.

On le dit ; et de plus on vient de m’assurer
Que vous ne me cherchiez que pour m’y préparer.

ORESTE.

Et votre âme à ses vœux ne sera pas rebelle ?

HERMIONE.

Qui l’eût cru, que Pyrrhus ne fût pas infidèle ?
Que sa flamme attendroit si tard pour éclater,
Qu’il reviendroit à moi quand je l’allois quitter ?
Je veux croire avec vous qu’il redoute la Grèce,
Qu’il suit son intérêt plutôt que sa tendresse,
Que mes yeux sur votre âme étoient plus absolus.

ORESTE.

Non, Madame : il vous aime, et je n’en doute plus.
Vos yeux ne font-ils pas tout ce qu’ils veulent faire ?
Et vous ne vouliez pas sans doute lui déplaire.

HERMIONE.

Mais que puis-je, Seigneur ? On a promis ma foi.
Lui ravirai-je un bien qu’il ne tient pas de moi ?
L’amour ne règle pas le sort d’une princesse :
La gloire d’obéir est tout ce qu’on nous laisse[1].
Cependant je partois ; et vous avez pu voir
Combien je relâchois pour vous de mon devoir.

ORESTE.

Ah ! que vous saviez bien, cruelle… Mais, Madame,
Chacun peut à son choix disposer de son âme.

  1. Sentiment ordinaire des princesses de Corneille. Ce lieu commun est ici louché discrètement, mais surtout ce n’est pour Hermione qu’un prétexte.