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qu’on célébra en son honneur à Port-Royal. Il rendait ouvertement chaque jour des services à la communauté. 11 prêtait sa plume aux religieuses ; il se chargeait de toutes les démarches pour leurs intérêts. Il négociait pour elles avec les archevêques de Paris, M. de llarlay, et son successeur, M. de Noailles.

Pendant longtemps ce dévouement à une secte persécutée ne nuisit point à Racine. Il avait l’amitié toute-puissante de Mme de Maintenon. Elle le chargea avec Boileau de revoir le style des Constitutions de Saint-Cyr. Les récréations dramatiques avaient été mises à la mode dans l’établissement, mais les pièces de la directrice étaient trop mauvaises, et l’Andromaque avait été dangereusement bien jouée par les demoiselles. Mme de Maintenon demanda à Racine d’écrire quelques scènes sur un sujet religieux. Il fit Esther, qui fut représentée à Saint-Cyr le 26 janvier 1689, on sait avec quel fracas et avec quel succès. Ce fut le moment de la plus haute faveur de Racine.

Mais quand il présenta Athalie, en 1691, Mme de Maintenon, inquiète de l’éclat des représentations d’Esther, avait réformé Saint-Cyr et fait succéder le silence de l’austérité au bruit et à la joie. Athalie fut représentée sans costumes dans une classe de Saint-Cyr, puis dans une chambre de Versailles. Le roi, quelques princes et quelques grands virent seuls la pièce. On crut ou l’on feignit de croire que si la pièce n’avait pas été présentée à toute la cour, comme Esther, c’était qu’elle ne le méritait pas. L’impression laissa les lecteurs froids. Malgré Boileau, Racine fut persuadé de s’être trompé.

Esther et Athalie avaient montré que Racine n’avait rien perdu dans la retraite de son génie dramatique : ces deux pièces avaient aussi révélé en lui un admirable poète lyrique. En 1694, il composa quatre cantiques spirituels, qui sont, avec les chœurs de ses tragédies sacrées, les plus beaux monuments de la poésie lyrique du xviie siècle.

Hors cej^ poésies pieuses où la foi de Racine autorisait son génie, il ne manqua guère à la promesse qu’il s’était faite de renoncer à la poésie. Un prologue d’opéra, une Idylle à la paix, quelques épigrammes mordantes contre de mauvais auteurs et de méchantes tragédies, voilà toutes les rechutes de son talent poétique pendant plus de vingt années.

Une légende s’est faite sur les derniers temps de la vie de