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Plus on les veut brouiller, plus on va les unir.
140Pressez, demandez tout, pour ne rien obtenir.
Il vient.

ORESTE.

Il vient. Hé bien ! va donc disposer la cruelle
À revoir un amant qui ne vient que pour elle.


Scène II[1]

PYRRHUS, ORESTE, PHŒNIX.
ORESTE.

Avant que tous les Grecs vous parlent par ma voix[2],
Souffrez que j’ose ici me flatter de leur choix[3],
145Et qu’à vos yeux, Seigneur, je montre quelque joie
De voir le fils d’Achille et le vainqueur de Troie.
Oui, comme ses exploits nous admirons vos coups :
Hector tomba sous lui, Troie expira sous vous ;
Et vous avez montré, par une heureuse audace,
150Que le fils seul d’Achille a pu remplir sa place[4].
Mais ce qu’il n’eût point fait, la Grèce avec douleur
Vous voit du sang troyen relever le malheur,
Et vous laissant toucher d’une pitié funeste,

  1. On pourrait comparer à cette scène la scène i de l’acte IV du Pausanias de Quinault, où Aristide au nom des Grecs réclame à Pausanias la fille d’un ennemi commun de la Grèce. Mais Pausanias est sans doute de l’année 1668. S’il y a une imitation, elle est de Quinault, non de Racine.
  2. Graiorum omnium, Procerumque vox est, dit Ulysse dans Sénèque (Troas, 324-5), lorsqu’il réclame Astyanax à Andromaque.
  3. Var. Souffrez que je me flatte en secret de leur choix (1668-73).
    En secret « est un bon galimatias », dit Subligny dans sa Préface.
  4. Tout le passage a été critiqué par Subligny. Il trouve un manque de netteté dans les possessifs : ses exploits, sa place. Il voudrait Troie tomba, Hector expira.