Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/172

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Mais je vous vois, Seigneur ; et si j’ose le dire, Un destin plus heureux vous conduit en Epire : Le pompeux appareil qui suit ici vos pas N’est point d’un malheureux qui cherche le trépas.

Oreste

Hélas ! qui peut savoir le destin qui m’amène ? L’amour me fait ici chercher une inhumaine. Mais qui sait ce qu’il doit ordonner de mon sort, Et si je viens chercher ou la vie ou la mort ?

Pylade

Quoi ? votre âme à l’amour en esclave asservie Se repose sur lui du soin de votre vie ? Par quel charme, oubliant tant de tourments soufferts, Pouvez-vous consentir à rentrer dans ses fers ? Pensez-vous qu’Hermione, à Sparte inexorable, Vous prépare en Epire un sort plus favorable ? Honteux d’avoir poussé tant de vœux superflus, Vous l’abhorriez ; enfin vous ne m’en parliez plus. Vous me trompiez, Seigneur.

Oreste

xxxxxxxxxxxxxxxx Je me trompais moi-même ! Ami, n’accable point un malheureux qui t’aime. T’ai-je jamais caché mon cœur et mes désirs ? Tu vis naître ma flamme et mes premiers soupirs. Enfin, quand Ménélas disposa de sa fille En faveur de Pyrrhus, vengeur de sa famille, Tu vis mon désespoir ; et tu m’as vu depuis Traîner de mers en mers ma chaîne et mes ennuis. Je te vis à regret, en cet état funeste, Prêt à suivre partout le déplorable Oreste, Toujours de ma fureur interrompre le cours, Et de moi-même enfin me sauver tous les jours. Mais quand je me souvins que parmi tant d’alarmes Hermione à Pyrrhus prodiguait tous ses charmes, Tu sais de quel courroux mon cœur alors épris Voulut en l’oubliant punir tous ses mépris. Je fis croire et je crus ma victoire certaine ; Je pris tous mes transports pour des transports de haine. Détestant ses