Ouvrez vos yeux : songez qu’Oreste est devant vous, Oreste, si longtemps l’objet de leur courroux.
Oui, c’est vous dont l’amour, naissant avec leurs charmes, Leur apprit le premier le pouvoir de leurs armes ; Vous que mille vertus me forçaient d’estimer ; Vous que j’ai plaint, enfin que je voudrais aimer.
Je vous entends. Tel est mon partage funeste : Le cœur est pour Pyrrhus, et les vœux pour Oreste.
Ah ! ne souhaitez pas le destin de Pyrrhus : Je vous haïrais trop.
Vous m’en aimeriez plus. Ah ! que vous me verriez d’un regard bien contraire ! Vous me voulez aimer, et je ne puis vous plaire ; Et l’amour seul alors se faisant obéir, Vous m’aimeriez, Madame, en me voulant haïr. O dieux ! tant de respects, une amitié si tendre… Que de raisons pour moi, si vous pouviez m’entendre ! Vous seule pour Pyrrhus disputez aujourd’hui, Peut-être malgré vous, sans doute malgré lui : Car enfin il vous hait ; son âme ailleurs éprise N’a plus…
Qui vous l’a dit, Seigneur, qu’il me méprise ? Ses regards, ses discours vous l’ont-ils donc appris ? Jugez-vous que ma vue inspire des mépris, Qu’elle allume en un cœur des feux si peu durables ? Peut-être d’autres yeux me sont plus favorables.
Poursuivez : il est beau de m’insulter ainsi. Cruelle, c’est donc moi qui vous méprise ici ? Vos yeux n’ont pas assez éprouvé ma constance ? Je suis donc un témoin de leur peu de puissance ? Je les ai méprisés ? Ah ! qu’ils voudraient bien voir Mon rival comme moi mépriser leur pouvoir !