Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/211

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dites-vous ? O dieux !
Andromaque
 xxxxxxxxxxxxxxxx O ma chère Céphise,

Ce n’est point avec toi que mon cœur se déguise. Ta foi, dans mon malheur, s’est montrée à mes yeux ; Mais j’ai cru qu’à mon tour tu me connaissais mieux. Quoi donc ? as-tu pensé qu’Andromaque infidèle Pût trahir un époux qui croit revivre en elle, Et que de tant de morts réveillant la douleur, Le soin de mon repos me fît troubler le leur ? Est-ce là cette ardeur tant promise à sa cendre ? Mais son fils périssait ; il l’a fallu défendre. Pyrrhus en m’épousant s’en déclare l’appui ; Il suffit : je veux bien m’en reposer sur lui. Je sais quel est Pyrrhus : violent, mais sincère, Céphise, il fera plus qu’il n’a promis de faire. Sur le courroux des Grecs je m’en repose encor : Leur haine va donner un père au fils d’Hector, Je vais donc, puisqu’il faut que je me sacrifie, Assurer à Pyrrhus le reste de ma vie ; Je vais, en recevant sa foi sur les autels, L’engager à mon fils par des nœuds immortels. Mais aussitôt ma main, à moi seule funeste, D’une infidèle vie abrégera le reste, Et sauvant ma vertu, rendra ce que je doi À Pyrrhus, à mon fils, à mon époux, à moi. Voilà de mon amour l’innocent stratagème, Voilà ce qu’un époux m’a commandé lui-même ; J’irai seule rejoindre Hector et mes aïeux. Céphise, c’est à toi de me fermer les yeux.

Céphise

Ah ! ne prétendez pas que je puisse survivre…

Andromaque

Non, non, je te défends, Céphise de me suivre. Je confie à tes soins mon unique trésor. Si tu vivais pour moi, vis pour le fils d’Hector.