Malgré la juste horreur que son crime me donne, Tant qu’il vivra, craignez que je ne lui pardonne. Doutez jusqu’à sa mort d’un courroux incertain : S’il ne meurt aujourd’hui, je puis l’aimer demain.
Eh bien ! Il faut le perdre, et prévenir sa grâce ; Il faut… Mais cependant que faut-il que je fasse ? Comment puis-je si tôt servir votre courroux ? Quel chemin jusqu’à lui peut conduire mes coups ? À peine suis-je encore arrivé dans l’Epire, Vous voulez par mes mains renverser un empire ; Vous voulez qu’un roi meure, et pour son châtiment Vous ne donnez qu’un jour, qu’une heure, qu’un moment ! Aux yeux de tout son peuple, il faut que je l’opprime ! Laissez-moi vers l’autel conduire ma victime, Je ne m’en défends plus ; et je ne veux qu’aller Reconnaître la place où je dois l’immoler. Cette nuit je vous sers, cette nuit je l’attaque.
Mais cependant, ce jour, il épouse Andromaque ! Dans le temple déjà le trône est élevé, Ma honte est confirmée, et son crime achevé. Enfin qu’attendez-vous ? Il vous offre sa tête : Sans gardes, sans défense, il marche à cette fête ; Autour du fils d’Hector il les fait tous ranger ; Il s’abandonne au bras qui me voudra venger. Voulez-vous malgré lui prendre soin de sa vie ? Armez, avec vos Grecs, tous ceux qui m’ont suivie ; Soulevez vos amis, tous les miens sont à vous : Il me trahit, vous trompe, et nous méprise tous. Mais quoi ? déjà leur haine est égale à la mienne : Elle épargne à regret l’époux d’une Troyenne. Parlez : mon ennemi ne vous peut échapper, Ou plutôt il ne faut que les laisser frapper. Conduisez ou suivez une fureur si belle ; Revenez tout couvert du sang de l’infidèle ; Allez : en cet état soyez sûr de mon cœur.
Mais,