Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/42

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J’ai vu, le fer en main, Étéocle luy-meſme ;
Il marche des premiers, & d’une ardeur extreſme
Il montre aux plus hardis à braver le danger.

Jocaſte
N’en doutons plus, Olympe, ils ſe vont égorger.
Que l’on coure avertir & hater la princeſſe ;
Je l’attends. Juſte ciel, ſoutenez ma faibleſſe !
Il faut courir, Olympe, après ces inhumains ;
Il les faut ſéparer, ou mourir par leurs mains.
Nous voicy donc, hélas ! à ce jour déteſtable
Dont la ſeule frayeur me rendoit miſérable !
Ni prière ni pleurs ne m’ont de rien ſervi,
Et le courroux du ſort vouloit eſtre aſſouvi.
O toy, ſoleil, oſ toy qui rends le jour au monde,
Que ne l’as-tu laiſſé dans une nuit profonde !
À de ſi noirs forfaits preſtes-tu tes rayons ?
Et peux-tu ſans horreur voir ce que nous voyons ?
Mais ces monſtres, hélas ! ne t’épouvantent guères :
La race de Laïus les a rendus vulgaires ;
Tu peux voir ſans frayeur les crimes de mes fils,
Après ceux que le père & la mère ont commis.
Tu ne t’étonnes pas ſi mes fils ſont perfides,
S’ils ſont tous deux méchants, & s’ils ſont parricydes ;
Tu ſais qu’ils ſont ſortis d’un ſang inceſtueux,
Et tu t’étonnerais s’ils étaient vertueux.
Scène 2
Jocaſte, Antigone, Olympe

Jocaſte
Ma fille, avez-vous ſu l’excès de nos misères ?

Antigone
Oui, Madame : on m’a dit la fureur de mes frères.

Jocaſte
Allons, chère Antigone, & courons de ce pas
Arreſter, s’il ſe peut, leurs parricydes bras.