Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome1.djvu/67

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Polynice endurci n’écoute que ſes droits ;
Du peuple & de Créon l’autre écoute la voix,
Oui, du lache Créon ! Cette ame intéreſſée
Nous ravit tout le fruit du ſang de Ménécée ;
En vain pour nous ſauver ce grand prince ſe perd,
Le père nous nuit plus que le fils ne nous ſert.
De deux jeunes héros cet infidèle père…

Antigone
Ah ! le voicy, Madame, avec le roi mon frère.
Scène 4
Jocaſte, Étéocle, Antigone, Créon

Jocaſte
Mon fils, c’eſt donc ainſi que l’on garde ſa foi ?

Étéocle
Madame, ce combat n’eſt point venu de moi,
Mais de quelques ſoldats, tant d’Argos que des noſtres,
Qui s’étant querellez les uns avec les autres,
Ont inſenſiblement tout le corps ébranlé,
Et foit un grand combat d’un ſimple démeſlé.
La bataille ſans doute alloit eſtre cruelle,
Et ſon événement vidoit noſtre querelle,
Quand du fils de Créon l’héroïque trépas
De tous les combattants a retenu le bras.
Ce prince, le dernier de la race royale,
S’eſt appliqué des dieux la réponſe fatale ;
Et luy-meſme à la mort il s’eſt précipité,
De l’amour du pays noblement tranſporté.

Jocaſte
Ah ! ſi le ſeul amour qu’il eût pour ſa patrie
Le rendit inſenſible aux douceurs de la vie,
Mon fils, ce meſme amour ne peut-il ſeulement
De votre ambition vaincre l’emportement ?
Un exemple ſi beau vous invite à le ſuivre.
Il ne faudra ceſſer de régner ni de vivre :