Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/128

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Qui me suis appliquée à chercher les moyens

De lui faciliter tant d'heureux entretiens,

Et qui même souvent, prévenant son envie,

Ai hâté les moments les plus doux de sa vie.

Ce n'est pas tout: il faut maintenant m'éclaircir

Si dans sa perfidie elle a su réussir;

Il faut... Mais que pourrais-je apprendre davantage?

Mon malheur n'est-il pas écrit sur son visage?

Vois-je pas, au travers de son saisissement,

Un cœur dans ses douleurs content de son amant?

Exempte des soupçons dont je suis tourmentée,

Ce n'est que pour ses jours qu'elle est épouvantée.

N'importe. Poursuivons. Elle peut comme moi

Sur des gages trompeurs s'assurer de sa foi.

Pour le faire expliquer, tendons-lui quelque piège.

Mais quel indigne emploi moi-même m'imposé-je?

Quoi donc? à me gêner appliquant mes esprits,

J'irai faire à mes yeux éclater ses mépris?

Lui-même il peut prévoir et tromper mon adresse.

D'ailleurs, l'ordre, l'esclave, et le vizir me presse.

Il faut prendre parti, l'on m'attend. Faisons mieux:

Sur tout ce que j'ai vu fermons plutôt les yeux,

Laissons de leur amour la recherche importune,

Poussons à bout l'ingrat, et tentons la fortune;

Voyons si, par mes soins sur le trône élevé,

Il osera trahir l'amour qui l'a sauvé,

Et si, de mes bienfaits lâchement libérale,

Sa main en osera couronner ma rivale.

Je saurai bien toujours retrouver le moment

De punir, s'il le faut, la rivale et l'amant.

Dans ma juste fureur observant le perfide,

Je saurai le surprendre avec son Atalide,

Et d'un même poignard les unissant tous deux,

Les percer l'un et l'autre, et moi-même après eux.

Voilà, n'en doutons point, le parti qu'il faut prendre.

Je veux tout ignorer.

====Scène