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Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/16

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PRÉFACE.

avouoient tous qu’elle n’ennuyoit point, qu’elle les touchoit même en pluſieurs endroits, & qu’ils la verroient encore avec plaisir. Que veulent-ils davantage ? Je les conjure d’avoir aſſez bonne opinion d’eux-mêmes, pour ne pas croire qu’une Pièce qui les touche, & qui leur donne du plaiſir, puiſſe être abſolument contre les règles. La principale règle eſt de plaire & de toucher. Toutes les autres ne ſont faites que pour parvenir à cette première. Mais toutes ces règles ſont d’un long détail, dont je ne leur conſeille pas de s’embarraſſer. Ils ont des occupations plus importantes. Qu’ils ſe reposent sur nous de la fatigue d’éclaircir les difficultés de la Poëtique d’Ariſtote. Qu’ils ſe réſervent le plaiſir de pleurer & d’être attendris, & qu’ils me permettent de leur dire ce qu’un Muſicien disoit à Philippe, roi de Macédoine, qui prétendoit qu’une chanſon n’était pas ſelon les règles : « À Dieu ne plaise, Seigneur, que vous ſoyez jamais ſi malheureux que de ſavoir ces choſes-là mieux que moi ! »

Voilà tout ce que j’ai à dire à ces perſonnes, à qui je ferai toujours gloire de plaire ; car pour le libelle que l’on fait contre moi, je crois que les lecteurs me diſpenseront volontiers d’y répondre. Et que répondrois-je à un homme qui ne penſe rien & qui ne ſait pas même conſtruire ce qu’il penſe ? Il parle de Protaſe comme s’il entendoit ce mot, & veut que cette première des quatre parties de la Tragédie ſoit toujours la plus proche de la dernière, qui est la Cataſtrophe. Il ſe plaint que la trop grande connoiſſance des règles l’em-