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Page:Racine Théâtre Barbou 1760 tome2.djvu/308

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Qui ſait même, qui ſait ſi le roi votre père
Veut que de ſon abſence on ſache le myſtère ?
Et ſi, lorſqu’avec vous nous tremblons pour ſes jours,
Tranquille, & nous cachant de nouvelles amours,
Ce héros n’attend point qu’une amante abuſée…

Hippolyte

Cher Théramène, arrête & reſpecte Théſée.
De ſes jeunes erreurs déſormais revenu,
Par un indigne obſtacle il n’eſt point retenu ;
Et, fixant de ſes vœux l’inconſtance fatale,
Phèdre, depuis long-temps, ne craint plus de rivale.
Enfin, en le cherchant, je ſuivrai mon devoir,
Et je fuirai ces lieux que je n’oſe plus voir.

Théramène

Hé, depuis quand, Seigneur, craignez-vous la préſence
De ces paiſibles lieux, ſi chers à votre enfance,
Et dont je vous ai vu préférer le ſéjour
Au tumulte pompeux d’Athène & de la cour ?
Quel péril, ou plutôt quel chagrin vous en chaſſe ?

Hippolyte

Cet heureux temps n’eſt plus. Tout a changé de face
Depuis que, ſur ces bords, les dieux ont envoyé
La fille de Minos & de Paſiphaé.

Théramène

J’entends. De vos douleurs la cauſe m’eſt connue.
Phèdre ici vous chagrine, & bleſſe votre vue.
Dangereuſe marâtre, à peine elle vous vit,
Que votre exil d’abord ſignala ſon crédit.
Mais ſa haine ſur vous, autrefois attachée,
Ou s’eſt évanouie, ou s’eſt bien relâchée.
Et d’ailleurs, quels périls vous peut faire courir
Une femme mourante, & qui cherche à mourir ?
Phèdre, atteinte d’un mal qu’elle s’obſtine à taire,
Laſſe enfin d’elle-même, & du jour qui l’éclaire,
Peut-elle contre vous former quelques deſſeins ?

Hippolyte

Sa vaine inimitié n’eſt pas ce que je crains.